Augmentation du drainage du LCR par stimulation non invasive des lymphatiques cervicaux 



Synthèse de l’étude parue dans Nature, juin 2025

Depuis 1875, avec l’étude fondatrice de Key et Retzius, le drainage du LCR depuis les lymphatiques méningés vers les lymphatiques de la tête et du cou a été confirmé à de nombreuses reprises. Les études qui ont suivi ont permis de mieux identifier les connexions entre l’espace sous-arachnoïdien (ESA) et les lymphatiques de la dure-mère autour du bulbe olfactif, de la lame criblée, de la muqueuse nasale et du nasopharynx, bien que la nature cellulaire de ces ouvertures ne soit pas encore élucidée.
Néanmoins, avec l’âge, le drainage du LCR par les lymphatiques diminue (environ 30 % plus faible dans une étude menée chez la souris âgée par rapport aux jeunes adultes).

Cette étude s’inscrit dans la lignée des découvertes montrant que la clairance du LCR peut être modulée en réduisant ou en élargissant les réseaux lymphatiques méningés. Une étude antérieure, publiée en 2024 par la même équipe de chercheurs, menée sur la souris Prox1-GFP, avait identifié une voie d’évacuation depuis l’ESA empruntant le plexus lymphatique nasopharyngé. Drainant le LCR provenant de la région crânienne moyenne et antérieure de l’ESA (hypophyse, sinus caverneux, lame criblée), cette voie représente environ 50 % du drainage du LCR vers le cou. Une manipulation pharmacologique avait permis d’augmenter significativement l’écoulement du LCR, mais nécessitait une intervention chirurgicale pour accéder à ces lymphatiques. Cela les a conduits à chercher une méthode beaucoup moins invasive.

Pour identifier de nouveaux ganglions recevant le drainage du LCR chez ces mêmes souris, ils ont injecté un traceur fluorescent dans l’ESA au niveau de la citerne magna. Les signaux fluorescents étant très forts au niveau des ganglions sous-mandibulaires, les chercheurs ont identifié deux vaisseaux afférents, scLV-1 et scLV-2, ainsi que les connexions en amont les alimentant.

Les contractions spontanées et relaxations des scLV restent normales chez la souris âgée, qui présente peu de modifications structurelles. Néanmoins, la réponse à l’oxyde nitrique (NO) est altérée à cause du dysfonctionnement des cellules endothéliales lymphatiques, lesquelles augmentent paradoxalement l’expression du gène NOS3 (Nitric Oxide Synthase 3) tout en diminuant la production de la protéine eNOS (Endothelial Nitric Oxyde Synthase).

Les chercheurs ont donc voulu savoir si le drainage du LCR pouvait être augmenté par stimulation mécanique des scLV-1 et scLV-2 de manière externe (comme lors d’un massage), afin de corriger la réduction observée chez les souris âgées. Ces deux vaisseaux ont été choisis en raison de leur localisation superficielle accessible et de leur innervation sympathique.

Les chercheurs ont conçu un stimulateur mécanique régulé par la force et ont défini trois zones de stimulation :

  1. le pourtour de l’œil et de la mandibule,
  2. du bord nasal à la mandibule,
  3. longitudinalement le long du trajet des lymphatiques.
    Chaque session consistait en 2 cycles de 10 pressions de 2 secondes, ce qui correspond à 40 secondes de stimulation suivies de 20 secondes de repos.

Plusieurs séries d’expériences ont été menées chez la souris jeune. Après une stimulation de 5 minutes, l’intensité de la fluorescence du traceur, permettant de mesurer le drainage du LCR, avait doublé. Après 20 minutes de stimulation, la fluorescence dans le ganglion sous-mandibulaire ipsilatéral avait triplé.

Afin de vérifier que la stimulation n’entraînait pas uniquement une poussée du LCR vers les ganglions mais permettait bien d’améliorer la clairance, une expérience complémentaire a été menée : elle consistait en l’injection du traceur fluorescent dans un ventricule latéral, en l’application de 10 séances de stimulation, puis en un prélèvement de LCR au niveau de la citerne magna. La concentration du traceur dans le LCR était diminuée de 23 % chez le groupe stimulé, indiquant une accélération réelle du drainage.

L’approche a ensuite été testée chez la souris âgée. Après 20 séances de stimulation, la fluorescence du traceur triplait dans le ganglion sous-mandibulaire. Après 5 séances, elle était multipliée par 5 dans les scLV-1 et scLV-2. Cela compense largement la réduction du drainage observée chez la souris âgée.

Néanmoins, plusieurs questions restent en suspens, notamment sur les effets prolongés de la stimulation mécanique et le rôle exact de l’oxyde nitrique dans les conditions pathologiques. Cette méthode, testée uniquement chez la souris, est-elle applicable à l’homme avec les mêmes effets ? Peut-elle induire des effets bénéfiques sur les maladies neurologiques chroniques ?

À lire :

  • Jin, H., Yoon, JH., Hong, S.P. et al. Increased CSF drainage by non-invasive manipulation of cervical lymphaticsNature (2025). https://doi.org/10.1038/s41586-025-09052-5
  • Yoon, JH., Jin, H., Kim, H.J. et al. Nasopharyngeal lymphatic plexus is a hub for cerebrospinal fluid drainageNature 625, 768–777 (2024). https://doi.org/10.1038/s41586-023-06899-4