À propos de l’ostéopathie…
« Le devoir du praticien n’est pas de guérir le malade mais d’ajuster une partie ou l’ensemble du système afin que les fleuves de la vie puissent s’écouler et irriguer les champs desséchés. »
Andrew Taylor Still, fondateur de l’ostéopathie
Cette citation extraite de Philosophie et principes mécaniques de l’ostéopathie peux laisser perplexe… En effet l’approche occidentale de la médecine a mis souvent l’accent sur l’élimination directe des maladies et des symptômes. On peut aussi y voir un détachement complet des responsabilités médicales traditionnelles, ce qui peut être déconcertant lorsque nous nous attendons à une intervention active de part du traitement… Et c’est souvent ce qu’attendent nos patients.
Pour démystifier les propos tenus par le Dr. Still, je vais donc vous inviter à un petit voyage dans le temps : nous allons remonter à la seconde moitié du 19e siècle lorsque l’idée de l’ostéopathie commença à émerger.
Andrew Taylor Still grandira dans l’Amérique des pionnier, dans le Middle West. La conquête de l’ouest amène à découvrir de nouveau territoire, les chemins de fer sont construits ce qui permettra de façonner le visage des États-Unis tels que nous les connaissons aujourd’hui. C’est une vie difficile ou le mot « auto-suffisance » prend tout son sens : on cultive sa terre, on chasse, on se soigne et on essaye de se prodiguer le plus de confort avec les moyens dont on dispose. La population de ce milieu très isolé doit faire face à des épidémies très virulentes (choléra, méningite…).
Le Dr. Still sera initié à la « médecine » par son père. En effet le terme plus juste serait médecine héroïque : là où la côte Est bénéficiait des influences européennes en matière d’avancées de la médecine (Claude Bernard, Pasteur…), le Middle West voyait se pratiquer une médecine très primitive et dangereuse. Arsenic, vésiculation, saignée, belladonne, plomb, mercure faisaient partis des remèdes et des soins qui étaient donnés aux malades.
Le Dr. Still verra un grand nombre de ses amis mourrir pendant la guerre de Sécession ainsi que des membres de sa famille, ce qui lui ouvrira les yeux sur l’inefficacité et la dangerosité de cette médecine. La création d’un nouveau système de soins plus sécuritaire étant nécessaire, comment était-ce possible de donner le meilleur afin que les personnes puissent retrouver la santé ?
Les États-Unis de cette époque sont une terre où les idées nouvelles ne manquent pas pour les pionniers : ceci sera une grande source d’inspiration pour Andrew T. Still. Pendant une mission au Kansas, il s’initiera aux traditions philosophiques et médicales amérindiennes. Lors des premiers conflits qui donneront lieu à la guerre civile, un de ses amis lui fera découvrir les travaux de Herbert Spencer, de Charles Darwin (évolutionnisme)… Le transcendantalisme popularisé par Ralph Waldo Emerson avec son essai La Nature devient un mouvement culturel majeur. Mais c’est surtout une série d’évènements, parfois étant le fruit du hasard ou provoqué par les nouvelles connaissances qu’il acquérait que l’ostéopathie pris ses racines : cet extrait du livre Autobiographie relate un de ses évènements.
« Un jour – je devais avoir dix ans –, j’eus mal à la tête. Je pris les rênes qui servaient à mon père pour labourer et j’en fis une balançoire en les accrochant entre deux arbres. Mais la tête me faisait trop mal pour que le balancement soit confortable. Je laissai donc la corde pendre à environ vingt ou vingt-cinq centimètres du sol, étalai dessus l’extrémité d’une couverture et m’allongeai sur le sol en utilisant la corde comme oreiller balançant. Ainsi, je reposai étendu sur le dos, la corde en travers du cou. Très vite, je me sentis plus à l’aise et m’endormis. Je me réveillai peu de temps après, le mal de tête ayant disparu. Comme à cette époque je ne connaissais rien à l’anatomie, je ne prêtai pas attention au fait qu’une corde puisse arrêter un mal de tête et la nausée qui l’accompagnait. Après cette découverte, j’encordais mon cou chaque fois que je sentais venir un de ces signes. »
Ces expériences le poussèrent à étudier l’anatomie : biomécanique, physiologie, neurologie, histologie, biochimie et tout ce qui passe à travers le vivant. Comprendre le monde naturel, comprendre comment la vie s’animait et s’entretenait devint alors une source d’occupation constante jusqu’à la fin de sa vie : conscient qu’il ne faisait que toucher du doigt certains mécanismes, il comparera l’ostéopathie à un écureuil caché dans le trou d’un arbre, n’ayant fait qu’attraper la queue.
Plus tard, le Dr. Sutherland comparera la compréhension de l’ostéopathie à celle de l’océan. Inspiré par la biologiste marine Rachel Carson et son livre The Sea Around Us, le corps humain se régule comme les vastes étendues bleues de la Terre, influencées par le climat, l’érosion des continents, les courants, la vie sous-marine, les marées… Un équilibre nouveau suis le déséquilibre de façon continue, la compensation maintient une cohérence et protège… Cette analogie fait référence aux trois principes fondamentaux de l’ostéopathie :
1. Le corps est une unité ;
2. Le corps possède des mécanismes d’auto-régulation et d’auto-guérison ;
3. Structure et fonction sont mutuellement et réciproquement reliées (la structure allant des gros éléments des systèmes musculaires et squelettiques aux fines molécules qui façonnent le corps ; la fonction allant des mouvements corporelles jusqu’aux échanges intra et extra-cellulaires).
La technique manuelle (HVBA « craquement », viscéral, crânien, fonctionnel « avec la collaboration de la respiration »…) n’est que la partie émergée de l’iceberg : elle a pour but le diagnostic, la compréhension de l’unité corporelle et de collaborer avec les principes qui s’affichent. Nous pourrions résumer ainsi l’ostéopathie : c’est tenter de comprendre la vie et être au service des lois naturelles pour supporter les mécanismes inhérents de nos patients.
Le terme de « thérapie complémentaire » pour l’ostéopathie prend ici tout son sens : en plus de la médecine allopathique ainsi que de ces différentes branches, de la kinésithérapie pour rééduquer – et des nombreuses autres disciplines du monde médical – notre profession se place comme un véritable carrefour pour aider les patients à aller mieux, que ce soit dans le cadre de la prévention ou dans l’accompagnement dans leur parcours de soin. En somme : trouver la Santé.
Pour les plus curieux, lectures recommandées :
- De l’os sec à l’homme vivant, John Lewis
- La Nature, Ralph Waldo Emerson